Accueil  -  Les homélies de Mgr Laurent Dognin  -  13 septembre 2020 — Ordination diaconale de Laurent DANIELLOU — Cathédrale Saint-Corentin — Quimper (29) Si 27, 30-28, 7 ; Ps 102 ; Rm 14, 7-9 ; Mt 18, 21-35

13 septembre 2020 — Ordination diaconale de Laurent DANIELLOU — Cathédrale Saint-Corentin — Quimper (29) Si 27, 30-28, 7 ; Ps 102 ; Rm 14, 7-9 ; Mt 18, 21-35

Cher Laurent,

Pour ton ordination diaconale, nous avons gardé les textes de la liturgie de ce dimanche qui nous interpellent fortement sur la nécessité de pardonner. Transparaît, à travers cet appel pressant du Seigneur, son amour miséricordieux pour tous les hommes. Un amour qui dépasse tout ce que nous pouvons imaginer. Cela donne sens au don de Dieu que tu vas recevoir dans l’ordination. Par ce sacrement, c’est bien l’amour de Dieu qui se manifeste en toi et, par toi, pour les autres.

L’Évangile de ce jour nous révèle la difficulté qu’il y a à pardonner, à nous aimer les uns les autres en vérité, malgré nos limites, nos défauts, nos travers et nos péchés. Personne n’échappe à ce défi d’avoir un jour à pardonner ou à demander humblement pardon. À la question de Pierre qui est de savoir jusqu’où doit-on aller dans le pardon, Jésus explique qu’il n’y a pas de limite en prenant une parabole étonnante qui nous invite à contempler l’amour que Dieu manifeste à l’égard de chacun de nous.

Dans la parabole, la dette de cet homme vis-à-vis du roi est considérable : 60 millions de pièces d’argent. Le dominicain Adrien CANDIARD estime que cela représente 165 000 années de salaire minimum, le SMIC. Je ne sais pas comment il a fait son calcul, mais en tous les cas Jésus veut montrer par cette somme astronomique que notre dette à l’égard de Dieu est inestimable.

De fait, Jésus a donné sa vie pour pardonner nos péchés, nous libérer du mal, et nous introduire dans la vie éternelle avec Lui. En soulignant dans la Parabole la grandeur de l’amour de Dieu à notre égard, il veut ainsi ouvrir notre cœur à aimer les autres, d’un amour sans limites, et donc à aller jusqu’au pardon.

Cet amour de Dieu qui est inestimable donne sens à l’ordination que nous allons célébrer, car c’est bien en raison de son amour miséricordieux que le Seigneur t’a appelé Laurent. C’est encore par amour qu’il va te donner la grâce du sacrement de l’ordre et c’est par amour pour son peuple qu’il fait de toi un diacre au service de la mission qui nous est confiée.

Je voudrais en souligner trois aspects :

Premièrement : par toute ta vie tu vas manifester l’amour du Christ serviteur qui est venu « non pas pour être servi, mais pour servir et donner sa vie pour la multitude ». Ce don de Dieu est définitif. L’ordination diaconale ne s’efface pas. Et même si, comme nous l’espérons, tu pourras être ordonné prêtre, la dimension diaconale de ton ministère demeurera.

Cela nous appelle sans cesse à vivre notre ministère comme un service et non comme un pouvoir. On parle beaucoup en ce moment dans l’Église du pouvoir que confère l’ordination. Mais Jésus a été clair là-dessus en lavant lui-même les pieds de ses disciples. Le fait d’être ordonné ne nous rend pas supérieurs aux autres fidèles, mais il nous situe différemment au service du peuple de Dieu. Cela nous invite à vivre notre ministère avec humilité et une vraie charité pastorale.

Le Pape va publier le 3 octobre une encyclique sur la Fraternité. Il sera intéressant de voir comment tu pourras t’approprier ce texte pour vivre ton diaconat. La période de confinement a révélé combien les relations humaines toutes simples, la solidarité, l’attention aux autres étaient essentielles pour vivre. La COVID-19 génère de nouvelles pauvretés et plus que jamais, Laurent, tu devras y être attentif ! Je pense à ceux qui perdent leur emploi, mais aussi à ceux qui souffrent du manque de relations, de la solitude, du manque d’espérance.

Deuxièmement, tu vas engager ta vie dans le célibat pour le Royaume comme Jésus l’avait vécu lui-même. Dans la 2e lecture, Saint-Paul nous dit « Frères, aucun d’entre nous ne vit pour soi-même et aucun ne meure pour soi-même : si nous vivons, nous vivons pour le Seigneur, si nous mourons, nous mourons pour le Seigneur. » En t’engageant ainsi, tu seras attaché sans partage au Christ. Tu seras aussi librement donné pour le service des autres.

Le rituel d’ordination dit que le célibat consacré est « signe et aiguillon de la charité pastorale et source de fécondité dans le monde ». L’opinion publique, même catholique, a du mal à comprendre cet engagement dans le célibat et il est très décrié en ce moment. Mais tu sais bien que cet engagement de toute ta vie n’est pas une question de discipline, mais d’amour. Il s’agit bien du don de soi par amour pour Dieu et pour les autres.

L’Église ne choisit comme prêtres que ceux qui ont le charisme du célibat. De fait, c’est seulement la grâce de Dieu qui permet de vivre pleinement heureux et passionné dans ce don de soi-même au Seigneur. Tout le monde n’est pas appelé à cela bien évidemment. Mais ce don total manifeste bien à tous que le Christ a donné sa vie par amour pour nous comme nous aussi devons donner notre vie pour nos frères.

Troisièmement, tu vas être amené à célébrer des baptêmes, des mariages, à proclamer l’Évangile, à assurer la prédication. Bien sûr, comme tout baptisé, tu vas continuer à méditer la Parole de Dieu pour ta sanctification personnelle. Et cela jusqu’à la fin de ta vie comme tout le monde, mais aussi un peu plus que tout le monde, car tu vas aussi aider les fidèles à accueillir l’Évangile, à le comprendre et à en vivre. Cette prédication sera toujours au cœur de tous les actes de ton ministère.

C’est ce que faisait Jésus quand les foules se pressaient autour de lui pour écouter sa parole. Tu auras de très nombreuses occasions de faire entendre la parole du Christ. C’est le cœur de ta vie et le Seigneur compte sur toi pour cela.

Il faut sans cesse appeler les baptisés à lire les Écritures, à s’efforcer de les comprendre et à les méditer dans la prière. Cela reste un grand défi aujourd’hui. Plus que jamais, tous les baptisés doivent se nourrir de la Parole de Dieu afin d’enraciner leur foi solidement. Cela est nécessaire afin de tenir bon dans une société qui n’a plus de repères évangéliques.

Car aujourd’hui, les fidèles, quels qu’ils soient, doivent être capables de témoigner de leur foi joyeusement, mais aussi être capables de répondre aux interrogations des gens qui sont nombreuses aujourd’hui face à tous les défis de notre humanité. Beaucoup s’interrogent face à l’avenir du monde et au sens de leur vie sur la terre. Nous devons être pour eux des témoins de l’espérance que donne le Christ et de la promesse de son avènement glorieux.

Frères et Sœurs, préparons-nous tous maintenant en silence à accueillir l’Esprit Saint qui va se manifester pleinement dans la vie de Laurent par le sacrement de l’ordre que nous allons célébrer dans quelques instants.

† Laurent DOGNIN
Évêque de Quimper et Léon